Textes et publications

 

  • Texte de Antoinette Le Falher, Directrice des musées de Laval

Mémoire textile

Plasticienne textile, Constance Boulay brode des tissus de récupération, amidonne des dentelles anciennes, associe le plâtre, mêle les fils, l’encre ou l’aquarelle. En détournant des techniques traditionnelles et des matériaux chargés d’histoire, elle révèle des intimités et suggère des histoires secrètes. Au-delà de son propre vécu, elle semble explorer la mémoire collective. Partant sur les traces d’identités anonymes, elle convoque pratiques féminines, usages populaires et croyances religieuses.

Le travail artistique de Constance Boulay a été remarqué en 2019. Lauréate de l’Aide à la Création de Laval en 2018, elle est l’année suivante accueillie au sein du musée de la ville pour une exposition personnelle. Dans « Intimes textiles », elle élabore une oeuvre poétique où le textile « celui sur lequel on se couche, celui qui est porté au plus près de notre chair, celui-là même qui est caché sous d’autres textiles » réinvente des histoires personnelles.

Depuis, sa pratique a évolué. Le support sur lequel elle se penche de longues heures est enrichi de feuilles d’or, plié en origamis, gaufré de photographies anciennes. Le propos se veut parfois plus engagé. Tout en nuance, il suggère alors les soumissions, les revendications féminines, la surcharge mentale, la course au temps.

Monumentales ou relevant de la miniature, les créations textiles de Constance Boulay ne peuvent laisser indifférentes. Des souvenirs impalpables remontent et de fugaces images se rappellent à nous.

Antoinette Le Falher
Directrice des musées de Laval

 

  • Texte de Sophie Renazé-Garreau, Critique d’art

Née en 1987 à Château-Gontier
Vit et travaille à Laval

Constance Boulay est une artiste émergente qui produit un travail plastique d’image et de sculpture textile. Empruntant et mixant librement ses savoir-faire autodidactes et tissant des liens sémantiques poétiques d’une rare finesse, ses œuvres sont des dispositifs ouverts qui témoignent d’un questionnement sur le médium photographique et sur la teneur matérielle de l’expérience du souvenir. Ayant acquis par lots des portraits photo d’anonymes d’autrefois, c’est avec une empathie sincère qu’elle les oppose à la force inéluctable de l’oubli en détournant sur papier les techniques du transfert textile. Prenant ces images pour support, elle orchestre la rencontre de cire ou d’éléments naturels empruntés à ses promenades par incrustation et appositions. Et il s’agit bien de supporter, son œuvre patiente de réhabilitation provoquant de troublants courts-circuits visuels. Elle réinterprète la pensée d’Alain Fleischer au sujet de ses revenants, on pense aussi à l’obsession de sauver l’humanité de l’oubli, d’un Christian Boltanski. Quel que soit le médium, le fil du textile se fait jour. Constance Boulay travaille avec et autour d’une obsession : le corps. Siège de l’intime, de la filiation, là où chacun affiche ou séquestre ses désirs contrariés et espoirs les plus fous, à haut pouvoir fictionnel.

Sophie Renazé-Garreau