Démarche Artistique

 

Ma démarche artistique s’articule autour d’une problématique centrée sur la recherche de matérialisation de l’oubli. Mon esprit associe le mot oubli à la notion d’existence. En ce sens ma pratique artistique interroge le regard du spectateur sur les autres. Plus philosophiquement et sans doute plus intimement je m’interroge sur la nécessité du regard des autres pour exister. Je produis un travail plastique d’image et de sculpture textile. Empruntant et mixant librement mes savoir-faire autodidactes et tissant des liens poétiques , mes œuvres sont des dispositifs ouverts.

Mon processus de création commence toujours par la récolte de matière première dans différents lieux (photographies, textile, éléments prélevés dans la nature au gré de mes promenades) ensuite j’élabore des associations, de manière intuitive. J’ai un carnet dans lequel je griffonne mes impressions, mes sentiments. Je me lance assez rapidement dans le travail.

 Ma recherche témoigne d’un questionnement sur le médium photographique et sur la teneur matérielle de l’oubli. J’aime explorer le patrimoine photographique existant. J’hybride la photographie ancienne avec le numérique et l’incrustation d’éléments du réel, rendu possible grâce à une technique de photo transfert que j’ai détourné. Parfois j’amplifie la force des photographies par un jeu d’installation. Les photographies sont ainsi photo-transférées sur des draps ou des rideaux. C’est dans ce corps avec la photographie que je cherche à relire le monde, à inventer du nouveau, des utopies, où l’imaginaire dépasse l’image. C’est un travail anthropologique et intime. Ma sensibilité se tourne vers les objets oubliés ou abandonnés. Aussi, c’est très important dans ma pratique de récupérer la matière première.

A l’ère du numérique, je préfère revenir au travail manuel, j’ai besoin de rompre avec la technologie moderne. Ainsi les sculptures en tissus, ayant un fort lien avec l’artisanat, me permettent de réinventer un monde, de le réparer, pour en proposer une image poétique. Tout comme les photographies, je glane des tissus dans des recycleries. Le tissu porte en lui l’histoire de son ancien propriétaire. Souvent je joue de l’anthropomorphisme. Le propos plastique est brut ; mes sculptures sont travaillées dans leurs attitudes. Mais toujours je les veux réconfortantes. En effet elles évoquent et en quelque sorte solutionnent symboliquement la charge mentale avec leurs multiples bras. Je les appelle « mes grosses mères » Je pousse l’emphase jusqu’à la démultiplication des membres ; Bras multiples symbole d’utilité, de superpuissance, ou laissés ballants ,cruels d’inutilité. Atrophie ou hypertrophie, je joue des codes et des normes de la vraisemblance : tête déformée, grosses jambes ou longs doigts, tout est difforme et grossier, expressif.  Le difforme, le handicap, le hors-norme, le marginal, l’inapproprié, le moche… : sur toutes ces notions empruntes de jugement je jette un sort contre la moquerie et propose un antidote au rejet.